Laïcité ou barbarie [Texte et vidéo]

Laïcité ou barbarie
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   L’overdose ! Beaucoup finissent par avoir des nausées, ou en tout cas une grande lassitude, à l’évocation du mot laïcité. Cela n’est pas exceptionnel, et même il est courant aujourd’hui de succomber à une telle submersion médiatique. On a connu le même phénomène, il y a une trentaine d’années avec les mots Révolution et luttes de classes, puis, un peu plus tard, avec ceux de République et de citoyenneté. Aujourd’hui c’est la laïcité.
    Agaçant mais aussi inquiétant. Chacune de ces modes annonce la mort de ce qu'elle survalorise, dans une sorte de baroud d'honneur nostalgique. Ainsi, à la fin des années 60 on ne parlait que de Révolution et servait Marx à toutes les sauces pour que, quelque temps après, l'un et l'autre soient enfouis au cimetière des illusions perdues. Les années 70 ont vu fleurir la contestation de la société de consommation, du boulot et du fric préparant… la décennie du marché roi, du carriérisme et des placements financiers. La République, invoquée avec ostentation, est déjà noyée dans un libéralisme mondialisé ou européanisé. Le citoyen, continuellement glorifié, est de plus en plus un abstentionniste et un « paroissien » se repliant sur sa communauté religieuse, ethnique, régionale ou corporatiste. Alors, assisterait-on aujourd’hui à l’éloge funèbre de la laïcité ?
    Comme à chaque fois, le simulacre est tragi-comique. Naguère, les enfants de la bourgeoisie, futures élites ou nantis, se présentaient comme le fer de lance de… la classe ouvrière. Depuis quelque temps, on voit les descendants des collabos, nostalgiques d'une Europe aryenne, se faire les chantres de la Nation, et en face, certains démolisseurs des piliers de la République (abandon de la souveraineté nationale, des services publics, de la conscription, des contributions collectives) se dresser comme le rempart de cette même République. Et aujourd’hui, la laïcité est brandie comme un étendard par ceux-là mêmes qui jusqu’alors étaient vus comme des anti-laïques.
     Rien là d'ailleurs de paradoxal. Si une valeur ou un principe est rappelé avec force c'est qu'il ne va plus de soi et qu'on sent confusément qu'il est en danger. On ne protège que les espèces en voie de disparition. Par ailleurs, une surprotection, à l’image de l’excès possessif de l’amour maternel, finit par étouffer le cher protégé. Enfin, il ne suffit pas de scander un slogan sur tous les tons pour que l’idée qu’il est censé exprimer soit mise en œuvre ou maintenue, ou même comprise. C’est que ce type de concepts ne se décrète pas. Leur identité ne se résume pas à leur nomination, pas plus que celle d’un individu ne se résume au nom donné par le père, mais c’est l’aboutissement d’un long processus historique et idéologique, à la fois conscient et inconscient, comme la personnalité d’un individu. Trop les nommer ou vouloir les définir ou les redéfinir c’est leur retirer cette épaisseur complexe et opaque qui les assimile à des mythes, constitutifs d’un lien social fort, comme nous l’ont bien montré les ethnologues.

JC Coiffet 26/04/2004
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Rédigé par Jean-Claude COIFFET